De Noël au couronnement de Charlemagne

Inaugurée en 751 par Pépin le Bref, fils de Charles Martel, la dynastie carolingienne qui s’installe est synonyme de nouvelle gloire pour l’Occident chrétien. La romanité est redécouverte et la royauté franque atteint son apogée.

En raison des circonstances de l’arrivée au pouvoir de Pépin le Bref, un coup d’État cautionné par la papauté, les Carolingiens se trouvent de facto liés à l’Église. Cette proximité est renforcée en 754 lorsque le pape lui-même vient oindre le nouveau roi de l’huile sacrée du saint Chrême. Désormais, le sacre fait la légitimité des rois de France et inaugure, de fait, la monarchie de droit divin. Le roi est considéré comme « lieutenant de Dieu sur Terre », celui qui tire son pouvoir de la volonté divine. À l’exemple des rois juifs de l’Ancien Testament, le roi de France exerce un sacerdoce royal sur un peuple élu.

Le pouvoir carolingien naissant est une théocratie royale : le roi gouverne État et Église qui ne font qu’un. Mais cet équilibre est fragile et mène inévitablement à une lutte entre pouvoir religieux (spirituel) et pouvoir politique (temporel).

L’avènement de cette dynastie entraîne la nécessité de définir ce qu’est le nouveau pouvoir. C’est Charlemagne, fils de Pépin le Bref, qui entreprend de restaurer l’État défaillant sous les Mérovingiens. L’instauration d’un centre politique fixe, avec Aix-la-Chapelle pour capitale, et des structures administratives efficaces permettent de consolider les assises carolingiennes.

Avec Charlemagne, l’idée de fonder une nouvelle Rome, nouveau symbole du pouvoir, fait son chemin. Le fils de Pépin le Bref n’oublie pas l’Empire romain des siècles précédents et voit en lui le moyen d’asseoir son autorité tout en donnant une forme politique à la nouvelle unité territoriale qui se fait jour. Pour Charlemagne, s’il n’y a qu’un seul chef spirituel en la personne du pape, il ne doit y avoir qu’un seul chef temporel en la personne de l’empereur. Plusieurs circonstances favorables lui permettent d’envisager cette renaissance : de nombreux succès militaires qui élargissent le territoire carolingien et le font coïncider, peu ou prou, avec l’ancien empire romain ; la faiblesse de l’Empire romain d’Orient, empêtré dans une crise économique et politique ; la bienveillance du pape Léon III, qui voit d’un bon œil le retour d’une unité politique chrétienne.

Ainsi, le 25 décembre 800, Charlemagne est couronné empereur dans la basilique Saint-Pierre de Rome. En conséquence, l’Empire d’Occident est reconstitué avec Aix-la-Chapelle pour capitale : c’est la renovatioimperii et le retour de la res publica romaine.

Toutefois, la cérémonie du couronnement réserve une anecdote, détaillée par le biographe du nouvel empereur, Éginhard : « Le jour sacré de la nativité du Seigneur, comme le roi, durant la messe, avait prié à genoux devant la confession du bienheureux apôtre Pierre et se relevait, le pape Léon lui plaça sur la tête une couronne ; il fut acclamé par tout le peuple romain. Après les acclamations, selon l’usage des anciens princes, il fut adoré par le pontife et fut appelé empereur et auguste ».

Éginhard évoque alors la fureur de Charlemagne lors de sa sortie de la basilique. Léon III, en habile politicien, vient d’inverser le rite de couronnement. Alors que la cérémonie byzantine prévoit l’acclamation du peuple avant l’intervention d’un homme d’Église, le couronnement de l’an 800 semble évoquer que la renaissance impériale est due avant tout à l’action du pape. L’empereur tire-t-il son pouvoir de l’Église ou de lui-même ? La question ne cesse d’agiter l’Occident au cours du Moyen Âge.

« Charles, sérénissime Auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique empereur, gouvernant l’Empire romain et, par la miséricorde de Dieu, rois des Francs et des Lombards »

Titulature officielle adoptée en 801 par Charlemagne à la suite de son couronnement

Les trois sources du pouvoir sont présentes dans la titulature officielle : Rome, l’Église et les Francs. Le symbolisme a toujours une importance primordiale en matière politique.

Par Benjamin Galeran, Doctorant en Histoire du droit et Trésorier de l’association